Jacques Lacoursière et Hélène Quimper. Québec, ville assiégée 1759-1760, d’après les acteurs et témoins., Québec, Éditions du Septentrion, 2009. 


Dans cet ouvrage, on retrouve, jour après jour, pendant toute l’année 1759, des témoignages divers des principaux protagonistes et acteurs de ce conflit des deux côtés de la barrière, les assiégés et les assiégeants. J’invite tous les lecteurs à se le procurer :

https://www.septentrion.qc.ca 

 il est peu dispendieux et encore moins dans sa version numérique. De cette lecture, il est possible de tirer un certain nombre de conclusions qui expliquent la défaite. 


Les quelques extraits qui suivent ont été retenus (pour la plupart) pour illustrer mon intention première, soit celle d’exposer ce qui s’est passé à l’Île d’Orléans, où vivaient à l’époque des descendants de mon ancêtre Mathurin Chabot établi là en 1665. Comme l’histoire officielle est toujours axée sur les vainqueurs et les grands de ce monde et non sur la plèbe, le petit peuple, le vulgaire, il est très difficile de dénicher des sources sur le vécu de ceux-ci autrement que si l’on a accès à des acte officiels dont on peut inférer certaines conclusions. Ce fut le cas de l’un de ses petits-enfants dont j’ai retrouvé la trace, soit Pierre Chabot  (1729-1787) dont il est question dans les autres pages de ce site. Natif de Saint-Laurent, il a quitté son village peu après son mariage avec Thérèse Leclerc (née au même endroit) en 1752, puisque leur premier enfant est né à Saint-Charles-de-Bellechasse en 1754. Mais il est incontestable que ce village naissant et toute la région (Beaumont, St-Michel, Saint Vallier, l’ensemble de la Côte Sud, de Kamouraska à Lotbinière) a été en butte aux incursions et aux exactions des soldats britanniques stationnés à la Pointe de Lévy où ils pouvaient bombarder Québec. Ils devaient patrouiller la région à la recherche de ravitaillement ou pour effrayer les miliciens Canadiens embusqués dans la forêt qui, avec leurs alliés autochtones, venaient les attaquer.


À moins d’être un historien ou un véritable passionné de l’histoire, de la nôtre en particulier, l’occasion ne nous est pas souvent fournie de nous (re)tremper dans ces temps lointains qui ont forgé notre présent. Je suis donc assez content que cette idée que j’ai eue de ressusciter un moment de la vie de l’un des membres de ma lignée m’ait amené à faire une balade dans le passé. Cela m’a ramené à la petite école du rang Cinq Ouest de Saint-Lazare-de-Bellechasse où j’ai appris, il y a presque soixante-dix ans maintenant, les rudiments de mon histoire, celle de ma race. Les lectures que j’ai faites dans le cadre du présent projet m’ont permis de constater à quel point mon cerveau d’enfant de dix ou onze ans avait emmagasiné des faits, des événements, des noms, des lieux, de Champlain à Vaudreuil, des gouverneurs, des intendants, des explorateurs, des fondatrices et des fondateurs… Je me demande si les jeunes de la décennie 2020 en sauront autant à la fin de ce siècle?


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04-05-1759 F Vaudreuil à Léry
Nous avons envoyé aux capitaines des costes des ordres pour les informer de nos intentions et de ce qu’ils auront à faire à la proche de la flotte ; le Sr. de Lery verra les dits capitaines et les curés à commencer à la rivre Oüelle jusqu’à l’Islet du Portage, affin de s’informer si un chacun se prépare à les exécuter, et dans le cas qu’il y en eut quelqu’un qui ne le fit pas, M. de Lery, le fera venir, l’avertira avec douceur, luy fera envisager que nos ordres ne tendent qu’à son interest personnel : si après setre servi de cette voye, il s’en trouvoit quelqu’un qui par mutinerie refusa, il le fera arrêter et conduit à M. de Ramezay qui le tiendra en prison jusqu’à ce que nous en ayons ordonné. COLLECTION NORTHCLIFFE, Volume XXIV, Québec VII, p. 196


23-05-1759 F Foligné

Le 23 au soir est arrivée Mr. le Marquis de Vaudreuil gouverneur general qui des le lendemain detacha differents officiers porter ses ordres ; Mr. de St Vincent capne. cher. de St Louis   avec deux lieutenants partit  pour l’isle  d’Orleans d’où il devoit obliger les habitans de passer à la terre du Nord avec tous leurs menages, Mr. de Terry Capne. avec quelques officiers subalternes partit pour la cote du sud pour obliger les habitans depuis les Camouraska de monter au dessus du Sault de la Chaudiere distant au sud a deux lieues au dessus de la ville, mais les derniers preferent de senfoncer dans la profondeur des bois malg les ordres de M. le général […] Mr. le general detacha d’autres officiers porteur de ses ordres dans toute l’entendue du gouvernement ordre aux Capnes. des paroisses de commander généralement qui quonque seroit en état de porter les armes et fait partir sur le champ pour venir camper, au camp formé par nos trouppes de terre, depuis les ordres envoyes on voyoit journellement arriver de toute part jeunes et vieux; tout ce monde se trouva assez de force pour porter les armes et etre de la fête icy je dois dire à la loüange des Canadiens que jamais ordres furent recus avec plus de joye et executés avec plus d’exactitude. DOUGHTY, vol. 4, Journal de Foligné, p. 166-167


24-05-1759 F M***

[…] Il fut écrit à  M. le Marquis de Vaudreuil et à M. le Chevalier de Lévis pour leur donner avis de l’approche de la flotte ennemie. M. le Marquis de Montcalm fit partir aussi plusieurs Officiers de la Colonie avec ordre de faire évacuer les habitations le long du fleuve où l’Ennemi pouvoit facilement faire des irruptions l’Isle aux coudres et celle d’Orléans. Ce général ordonna plusieurs détachements le long de la te, tant au nord qu’au sud, pour éclairer les mouvemens de l’ennemi. DOUGHTY, vol. 5, Journal abrégé de la campagne de 1759 en Canada par M. M*** Ayde de camp de M. le Mis de Montcalm, p. 284


25-5-1759F Malartic

MM. de Bougainville et Pontleroi ont été reconnaître l’isle d’Orléans. Malartic a été chargé de reconnaître la partie du Carrouge. Plusieurs marins ont été sonder la traverse pour savoir si on peut la barrer. MALARTIC, Journal des campagnes au Canada de 1755 à 1760, p. 235-236


26-05-1759 F Malartic

Tous les officiers de la colonie sont partis pour aller sur les deux rives du fleuve, faire retirer les bestiaux, les conduire sur les derrières ou dans les bois et cantons les plus éloignés des ennemis. On a expédié un courrier pour hâter la marche de M. de Lévis et des troupes réglées avec les Canadiens qui doivent descendre. Les marins ont trouvé la traverse trop large pour être barrée. MALARTIC, Journal des campagnes au Canada de 1755 à 1760, p. 236


26-05-1759 F Inconnu

Nos ingénieurs ont été visiter l’Isle d’Orléans afin de voir s’il ne seroit pas possible d’y trouver un terrain avantageux pour y établir quelques batteries, mais comme il paroist impossible d’empêcher les ennemis d’y descendre et que cela occuperoit trop de monde pour la soutenir, on a pris le party de l’abandonner. […]

FAUTEUX, Journal du siège de Québec du 10 mai au 18 septembre 1759, p. 7


05-06-1759 F Foligné

Mr de Repentigny depêcha un courier par lequel il donnoit avis aux generaux que la premiere division des navires ennemis après avoir très bien fait la traverse, etoient mouilles par le travers du bout de l’Isle d’Orleans. Ce meme jour arriva un courrier du poste de Mr Aubert qui annoncoit une seconde division d’environ 20 navires qui parurent au Bique le 2 du soir ce qui avoit été annoncé le trois du mois par les feux qui coururent, signal qui annonçoit chaque fois l’arrivée des vaissx. ennemis à l’Isle du Bique. DOUGHTY, vol. 4, Journal de Foligné, p. 169


09-06-1759 F Montcalm

[…] M. de Courtemanche est parti avec cinq cents Canadiens ou sauvages pour l’Ile-d’Orléans. Les habitants de cette île demandent à l’aller défendre ; proposition acceptable ; ce sont leurs foyers, leurs champs ensemencés qu’ils auront à protéger ; leurs femmes et leurs enfants en sont dehors ; autant de raisons pour les y envoyer. CASGRAIN, Journal du Marquis de Montcalm durant ses campagnes en Canada de 1756 à 1759, p. 538-540


09-06-1759 F Panet
Les sauvages s’amusèrent à l’Isle d’Orléans à manger des bœufs et des moutons quon y avait laissés : l’Ile d’Orléans ayant été abandonnée avec une précipitation qui ne fait pas honneur à celui qui était chargé de ce faire. Il en fut de même de la te du Sud depuis la Rivre-du-Loup jusqu’à la Pointe Lévy. PANET, Journal du siège de Québec en 1759, p. 5

21-06-1759F Malartic

On a dépêché plusieurs courriers pour hâter la retraite des femmes, enfants et bestiaux des paroisses les plus exposées et pour recommander aux officiers qui sont en avant la plus grande vigilance. MALARTIC, Journal des campagnes au Canada de 1755 à 1760, p. 242


26-06-1759 F Inconnu
Les tourtes passent beaucoup depuis hyer; nous aurions bien besoin d’en  tuer, mais les ouvrages du magasin sont si grands qu’il est impossible d’en sortir un moment […] A une heure après midy, j’ai envoyé partie de mes effets à l’Ancienne Lorette, ainsi que de la farine, du lard et deux de mes petits enfants […] Par la multiplicité des équipemens, nos magasins se trouvent vuides de toutes marchandises; cependant il nous reste beaucoup de décrottoires ; c’est en vérité de quoi nous sommes mieux fournis, mais malheureusement personne nen veut prendre. FAUTEUX, Journal du siège de Québec du 10 mai au 18 septembre 1759, p. 23


28-06-59 F Malartic

Les brûlots sont descendus pour tenter de brûler quelque vaisseau ennemi. Ceux qui les commandaient se sont trop pressés d’y mettre le feu. Ils nont approché aucun vaisseau et ont été échouer sur la pointe de l’isle d’Orléans. Les Anglais sen sont moqué, riant beaucoup. MALARTIC, Journal des campagnes au Canada de 1755 à 1760, p. 244


28-06-1759 F Inconnu

Nous venons d’apprendre que les anglois avoient débarqué  hyer à l’Isle d’Orléans; on estime 3 à 4000 hommes. On dit aussy qu’il y a le long de Beaumont et St. Michel beaucoup de berges et chaloupes échouées. FAUTEUX, Journal du siège de Québec du 10 mai au 18 septembre 1759, p. 24-25


30-06-1759 F Foligné

Lorsque les ennemis eurent fait debarquer à la paroisse de Beaumont à la Coste du Sud distant de la ville à quatre lieues un corps de trouppe de sept à huit cents hommes une esquive parut par deux fois au dela de la pointe de Levy, pandt. que la trouppe debarquée cheminoit vers la pointe. Ils furent harcelés l’espace de deux lieues de chemins par environ soixantes Canadiens […] Ils ne furent pas plustôt rendus qu’ils livrerent combat à l’ennemi lequel dura depuis les trois heures jusqu’à six à la vue de la ville nos gens eurent le dessus et obligerent les ennemis de leur laisser le champ de bataille ou les sauvages firent a loisir une dizaine de chevelures ayant déjà un prisonnier […] DOUGHTY, vol. 4, Journal de Foligné, p. 173


02-07-1759 F Vaudreuil à Lévis

Je fais partir M. de Niverville avec quelques sauvages et quelques habitants de la Pointe-de-Lévis, pour aller faire la découverte en question sur cette île (d’Orléans). Comme M. de Florimond connot parfaitement l’île d’Orléans, je l’ai chargé d’aller dans l’instant joindre M. de Courtemanche et de travailler avec lui pour avoir le plus grand nombre de sauvages qu’il sera possible, qui, avec une quinzaine de Canadiens, se porteront cette [nuit] sur l’île d’Orléans et rechercheront l’occasion de frapper. CASGRAIN, Lettres du Marquis de Vaudreuil au Chevalier de Lévis, p. 63

05-07-1759
F Montcalm

Tournée du marquis de Montcalm à la droite pour terminer une prolongation de retranchement, une batterie et une redoute à la pointe Saint-Charles. […] La milice y paroît peu disposée; outre la propension à la mutinerie elle se plaignoit avec raison que, faisant un service plus vif qu’à l’armée, on ne lui donnoit qu’une demi-livre de pain. On lui a accordé la ration. Ils demandent un équipement et ont encore raison […] CASGRAIN, Journal du Marquis de Montcalm durant ses campagnes en Canada de 1756 à 1759, p. 566-567


06-07-1759 F Montcalm

Action courageuse des Outaouais, en plein jour, qui ont passé à l’Ile-d’Orléans, et t onze hommes à l’ennemi. Canonnade des bâtiments anglois sur la batterie flottante. CASGRAIN, Journal du Marquis de Montcalm durant ses campagnes en Canada de 1756 à 1759, p. 570


09-07-1759 F Inconnu

Nous apprenons qu’il y a de la fusillade au Sault; les vaisseaux tirent aussi sur le camp de M. de Levy […] Voicy le résultat de cette fusillade, les sauvages 8ta8ois ont défait une 40 ne d’anglais qui avançoient dans un peloton; ils ont aussy foncé sur une colonne de 3 à 400 hommes qui aussitôt avoient plié mais qu’une seconde les ayant pris en flanc les avoient fort incommodés; nous avons eu dans cette escarmouche 4 Canadiens tués et 3 sauvages et de blessé un canadien et 4 sauvages ; les anglois y ont eu au moins 100 hommes tués mais ils conservent la place. FAUTEUX, Journal du siège de Québec du 10 mai au 18 septembre 1759, p. 34


11-07-1759 F Inconnu

Les ouvrages des ennemis paraissant se pousser avec une très grande vivacité à la Pointe de Lévy, les inquiétudes de la ville augmentèrent et excitèrent quelques murmures de la part des habitants sur ce quon laissait, disaient-ils, établir à l’ennemi paisiblement, des batteries de mortiers et de canons dont ils s’attendaient à être écrasés , quoique plusieurs officiers prétendissent, et que M. de Montcalm fut persuadé lui même, que ces batteries se trouveraient hors de portée d’endommager considérablement la ville : cependant, pour nen point désespérer les bourgeois on permit à M. Dumas, Major Général des troupes de la Colonie, qui s’était offert, de former un corps de mille hommes avec lequel il passerait à la côte du Sud pour tâcher d’en déloger les ennemis et y ruiner leurs ouvrages ; des gens de tous états, jusques à des simples écoliers, soffrirent en foule pour être admis dans ce détachement qui par là fut porté jusques à 1,400 hommes, les sauvages compris, auxquels M. de Montcalm joignit une centaine de volontaires tirés des trouples réglées. Cette entreprise paraîtra imprudente à tous ceux qui n’y verront qu’un ramassis de Milices, sans discipline, attaquant des troupes réglées dans des retranchements, mais elle cessera de paraître telle si l’on considère que ces retranchements étaient dominés par des bois d’où l’on pouvait les fusiller, et que ces milices, sans connaissance du maniement des armes, surpassent sans comparaison les troupes réglées dans les affaires qui se décident purement par la mousqueterie (…). RAMEZAY, Extrait d’un Journal tenue à l’armée que commandait feu M. le Marquis de Montcalm, Lieutenant Général, p. 40-41


13-07-1759 F Inconnu

Les ennemis ont continué le bombardement toute la nuit; on leur a riposté de la place et surtout aux galiottes qui se sont éloignées hors de la portée. mais les batteries nous en ont envoyé au moins 120 dont plusieurs maisons en ont été écrasées ; une a tombé sur la cathédrale, une autre sur l’église des Jésuites ainsy que sur plusieurs autres bâtimens; la plus loin qui est tombé dans la place est à 50 pas de la porte St. Jean en dedans. Quantité de femmes et enfants qui étoient restés dans la ville ont été beaucoup effrayés ; heureusement qu’il n’y a eu personne de tués ny même de blessés. Sur les 10 heures du Matin, les ennemis ont un peu diminué leur feu; les galiottes sont encore revenues, elles ont jetté quelques bombes, mais on leur en a envoyé de la place qui les ont obligés de décamper promptement et elles ne sont point revenues. FAUTEUX, Journal du siège de Québec du 10 mai au 18 septembre 1759, p. 36-37


23-07-1759 F Inconnu

Les ennemis nous ont envoyé pendant la nuit au moins 200 bombes ainsy que quantité de pots à feu, ce qui a embrasé la cathédrale ainsy qu’une vingtaine de maisons des environs qui toutes ont été réduites en cendres. FAUTEUX, Journal du siège de Québec du 10 mai au 18 septembre 1759, p. 43


24-07-1759 F  Inconnu (du côté français)
Il y eut encore une suspension pour laisser aux anglais la liberté de faire passer leurs malades à l’Île d’Orléans; mais cette suspension n’était quentre la ville et la batterie et la Pointe de Lévi seulement. La nuit qui suivit ne fut pas moins affreuse que celle d’auparavant, par la quantité de bombes et de pots à feu qu’ils jetèrent, tous dirigés sur le faubourg St-Jean […] On ne peut sempêcher de dire ici en passant, l’étonnement et la surprise, le découragement même de tout le monde généralement, de voir l’inaction de notre armée, toute rassemblée derrre ses retranchemens à Beauport, tandis que celle de l’ennemi moins nombreuse d’un cinquième, et d’un quart, était divisée en quatre corps, et semblait bloquer la ville et l’armée, faisait des partis, les envoyait dans les bois, s’aguerissait à la nature du pays et augmentait chaque jour de hardiesse et de confiance par le peu d’obstacles qu’il trouvait ; tandis que de notre côté on avait perdu tous les avantages que le pays nous donnait, et qu’il eut été aisé de tenir l’ennemi inquiet avec un corps de 2000 hommes, dont l’absence n’aurait pu nous affaiblir, et qui aurait excité l’émulation guerrière, par les petits avantages qu’il n’aurait pas manq de remporter à la faveur des bois. HÉBERT, Le Siège de Québec en 1759, p. 91-92


29-07-1759  F  Foligné

Mr le General eut fait reponce à la lettre qu’il venoit de recevoir par laquelle M. Wolf se plaignoit des cruautés que nos sauvages et canadiens commettoient à quoy Mr le General repondit qu’il etoit assuré que les Cenadiens navoient point été dans le cas de lever des chevelures, que les Sauvages le fissent qu’il nen étoit pas surpris, d’autant plus que c’etoit un usage parmy eux qu’il ne devoit nullement ignorer; la trève finit à six heurs du soir, après laquelle les ennemis recommencerent le bombardement plus vivement qu’ils navoient encore fait. DOUGHTY, vol. 4, Journal de Foligné, p. 187-188


01-08-1759    F   Inconnu
Les vivres que l’on avait conservés à Québec pour la subsistance de l’armée se trouvant toucher à leur fin, on fut obligé d’en faire venir de Batiscan; mais la voie de l’eau paraissant fort hasardeuse depuis que l’ennemi s’était rendu maître du fleuve, il fallut se résoudre à faire venir ces vivres par terre ; celle-ci ne laissait point encore d’offrir des obstacles ; il ne restait dans la campagne que des enfants en bas âge, des femmes et des vieillards auxquels leur infirmités navaient pas permis de porter les armes. Ce fut cependant avec le secours de bras si faibles que l’on fit transporter sur 271 charettes de Batiscan à l’armée (18 lieues) 700 quarts de lard et de farine. La subsistance des troupes se trouva par là assurée pour 12 à 15 jours, mais l’on fut dès ce moment effrayé des difficultés que ce service rencontrerait par la suite ; nombre de charettes étaient déjà brisées, les femmes et les enfants qui les conduisaient rebutés d’un travail si rude, ne laissant point espérer qu’elles pussent le soutenir longtemps; on commença à regretter d’avoir si fort reculé les magasins de l’armée. RAMEZAY, Extrait d’un Journal tenue à l’armée que commandait feu M. le Marquis de Montcalm, Lieutenant Général, p. 51


09-08-1759  F Inconnu

La grande quantité de bombes, de carcasses et de pot-à-feu que les ennemis jettèrent la nuit du 8 au 9 sur la place, occasionna un 3e incendie à la basse ville ; 152 maisons y furent réduites en cendres. Nous apprîmes ce même jour, que Niagara avait capitulé le 24 Juillet, et que la reddition de ce fort avait été précédée de la défaite de notre corps de troupes revenu de la Belle-Rivière. Cet événement augmenta beaucoup l’abattement que la nouvelle de l’évacuation de Carillon et de St. Frédéric avait déjà répandu dans les esprits ; on craignit que l’ennemi ne rencontrant que de faibles barrres à l’entrée de la rivre de Cataracoui ne sautât les rapides, et ne vint tout à coup tomber sur Montréal, qui était dans ce moment dépourvu de toute espèce de défense; on avait des détachemens à la Présentation et à l’Isle aux Galops; on estima nécessaire de renforcer ces postes ; on détacha de l’armée 1000 hommes qui eurent ordre d’y marcher en toute diligence, et l’on crut ne pouvoir se dispenser de charger M. le Chev. de Levis du commandement d’une partie aussi délicate ; il partit dès le jour même pour s’y rendre. RAMEZAY, Extrait d’un Journal tenue à l’armée que commandait feu M. le Marquis de Montcalm, Lieutenant Général, p. 53-54


11-08-1759 F   Montcalm

Au matin le détachement de Canadiens et sauvages aux ordres de M. de Repentigny, ayant passé le Sault, ont surpris les travailleurs ennemis. Leur camp a marché très vite à leur secours avec du canon. Nous avons repassé le Sault en bon ordre avec perte d’un Canadien, sept Canadiens ou sauvages blessés légèrement. Lon estime la perte des ennemis à cent hommes au moins tués ou blessés. Les Canadiens et Abénaquis ont très bien fait. Si l’on pouvoit disposer des sauvages et les faire agir avec prudence, on détruiroit l’armée angloise. CASGRAIN, Journal du Marquis de Montcalm durant ses campagnes en Canada de 1756 à 1759, p. 588


11-08-1759    F   Foligné

Un detachement de six a sept cent Canadiens et sauvages commandés par Messieurs Artel et Fleurimond Denoyelle officiers de la colonie passerent le Sault pour aller surprendre un corp de trouppe ennemie, que Mr. le Cher. de Levy cavoit etre détaché pour courir cette coste ; nos gens les joignirent sur les midy, les attaquerent et les repousserent jusque dans leurs retranchements apres leurs avoir eux tués un trentaine d’hommes, les chevelures desquelles les sauvages porterent  a Mr. de Levy, notre perte a été de cinq hommes.[…] DOUGHTY, vol. 4, Journal de Foligné, p. 193-194


19-08-1759 F   Récher

Nouvelle que les Anglais, au nombre d’environ mille, sont descendus à Deschambault, côte du nord, 15 lieues au-dessus de Québec ; M. de Bougainville y est allé les combattre avec une partie de son détachement; notre cavalerie est partie aussi pour y aller. J’apprend que les Anglais ont brûlé, dans la côte du sud, outre la paroisse de St-Antoine, celle de St-Nicolas, une partie de celle de Ste-Croix ; dans l’isle d’Orléans, les maisons de la paroisse de St-François, la moitié de celles de la Ste-Famille ; de plus, celles de la Baie St-Paul; et qu’ils ont envoyé 600 hommes dans le bas de la côte du sud, pour brûler les maison et ravager les blés. RÉCHER, Journal du siège de Québec en 1759, p. 34-35


24-08-1759  F Inconnu

Les ennemis incendient les campagnes au nord ainsy que sur l’Isle d’Orléans. Deux soldats de la marine désertant du camp de Beauport ont été arrêtés par un soldat de la Sarre qui étoit en faction; il en a tué un et arrêté l’autre. FAUTEUX, Journal du siège de Québec du 10 mai au 18 septembre, p. 58-59


28-08-1759  F Malartic

La ration de pain a été réduite à trois quarteron, et on donnera tous les matins aux soldats, Canadiens et sauvages, un misérable d’eau-de-vie. MALARTIC, Journal des campagnes au Canada de 1755 à 1760, p. 275


30-08-1759 F Inconnu (probablement un officier de marine)

On apprit pendant tous ces mouvemens que M. de Portneuf, curé de St. Joachim et neuf de ses paroissiens avoient été pris ceux-cy avoient les armes à la main et furent maltraités mais le pauvre curé que les Anglois soupçonnèrent sans doute d’animer cette poignée de monde, le fut plus cruellement, puisque de sang froid firent couper le col au milieu de ses misérables habitans. DOUGHTvol.5 Relation du Siège de Québec, p. 321


30-08-1759  F Récher

Depuis 3 ou 4 jours, les personnes de la ville sont réduites au quarteron de pain ; et les soldats et autres guerriers aux 3 quarterons de pain avec la demi- livre de lard et un coup de vie. Et les personnes de la ville qui sont en moyen de se procurer de la farine sont averties de prendre à cet effet leurs précautions, attendu que la police ne leur en fournira point après le siège. RÉCHER, Journal du siège de Québec

en 1759, p. 40


02-09-1759  F La Pause

Les Ennemis ont embarqué beaucoup de troupes qu’ils ont fait passer à la pointe de l’isle d’Orléans où l’on aperçoit actuellement des nouvelles tentes tendues. La frégate qui étoit au Sault Montmorency l’objet d’abord de nos alarmes et de nos soucis, avec ce temps d’indifférence, a repassé sur le midi; nos mortiers ont voulu sopposer à son passage, ou pour mieux dire, la faire repentir de s’être mise dans le cas de repasser, mais nos bombes ont mal secondé l’intention de nos bombardiers qui les dirigeoient. Elles ont crevé en l’air ou ne sont pas arrivées au but […] Les ennemis ont mis le feu à grand nombre de maisons de l’isle d’Orléans et sur le soir ils ont brûlé leurs redoutes et batterie. Environ trois ou quatre mille hommes auparavant sous quatre colonnes avoient débouché de leurs camps pour sembarquer. Ils tirent tout droit à l’isle d’Orléans où l’opinion la plus commune est qu’ils ont été s’embarquer de l’autre côté de l’isle pour renforcer le camp de la pointe de Lévis. Ils ont craint de passer devant nos batteries qui n’éttoient cependant pas à craindre, attendu le service lent et maladroit de nos canonniers qui nont pu toucher une petite frégate à la voile qu’ils auroient dû ce semble couler à fond, mais une berge qu’un boulet toucha en imposa assez pour que les autres ne voulussent pas courir les mêmes hasards. Il y eut grand changement dans nos dispositions; la  journée  de  demain  doit en opérer de plus grands. La garde de la gauche fut diminuée et affaiblie par la qualité des troupes quon y laissa. Les vaisseaux passés au-dessus de Québec, source continuelle d’alarmes pour nous, viennent de mouiller entre St-Michel et Syllery, environ à une lieue de la ville. La politique se trouve en défaut, personne n’avoit prévu un retour si prompt, on s’épuise en conjectures. Les paris considérables que l’on fait et qui se multiplient journellement démontrent clairement la grande incertitude où nous jettent tous les mouvements qui semblent se contrarier. Le plus grand nombre juge que les ennemis se préparent à partir incessamment, ils croient sur les apparences qui paroissent tendre à la conviction. Leur camp retranché et fortifié du Sault démoli et brûlé, les maisons de toute cette partie incendiées comme celles de l’isle d’Orléans ils ont même encore un établissement, toute la côte du Sud ravagée partout où leurs partis  ont pu pénétrer, toutes les habitations fument encore de l’incendie qui les a réduites en cendres. Les vaisseaux qui se sont rapprochés de la ville achèvent de les persuader qu’ils nont pas envie de faire une longue résidence. La raison d’en avoir fait passer l’autre jour, de les avoir exposés aux risques d’être coulés bas ou du moins fort endommagés, ne contrebalancent pas, s’il faut les en croire, l’idée qu’ils avoient du péril où ils croyoient leurs frégates. Ils avoient eu nouvelle d’un détachement, parti depuis 4 ou 5 jours, composé de 5 cents matelots armés de toutes pièces qui se proposoient d’attaquer; et c’est suivant cet exposé que les ennemis ont fait ce mouvement. Pour moi, d’un avis bien différent, je crois que tant qu’il y aura des bâtiments au-dessus de Québec, il ne faudra pas songer à un départ prochain de la flotte. D’ailleurs les Anglois ne se remettront pas en rivre sans s’être essayés derechef avec nous. Ils feront une seconde tentative, ne se compromettront pas, mais ils fairont le semblant d’une véritable attaque qui doit finir leur campagne et les mettre à l’abri du blâme qu’ils encourroient de leur patrie s’ils sen retournoient sans avoir fait un second effort. L’affaire ne peut être vue qu’autant que nous venions à mollir dans notre patrie, car l’ennemi, qui ne peut avoir actuellement dessein de nous culbuter, ne se présentera que pour satisfaire le point chimérique de l’honneur Le général Holf (Wolfe) peut avoir encore un autre projet qui est celui de tenir autant que la saison le permettra et de quelque façon qu’il en arrive, qu’il combatte ou demeure oisif, nous aurons l’agréable satisfaction de ne pas le perdre de vue tout le mois de Septembre. LA PAUSE, Mémoires et papiers du Chevalier de la Pause, 1755-1760, p.128-129


13-09-1759  F Inconnu
A la pointe du jour les ennemis ont débarqué à l’Anse des Morts, le factionnaire ayant entendu nagér a crié qui vive, on a répondu en bon français provisions, et on a pris cela pour argent comptant, d’autant qu’il devoit passér des batteaux chargés de vivres, et l’ordre ayant été donné pour ne pas tirér dessus. Les Ennemis ont donc débarqué aussitôt au nombre de 15 à 1800 hommes. M. Devergor  a été pris sans coup férir ayant été blessé, je croy même encore endormy ; ils ont aussitôt monté la coste et en très peu de temps ont pénétré chez Borgias Levasseur, ils se sont emparés de la maison et de la grange ainsi que des maisons de St. Joseph. M. Lenoir, officier de la Sarre, commandant quelques volontaires, a fusillé longtems avec les ennemis mais ayant été blessé à plusieurs endroits il a été fait prisonnier; les canadiens y ont accouru et se sont beaucoup fusillés mais comme le nombre des ennemis augmentoit de moment en moment, nos miliciens tiroient d’un costé et d’autre sans faire un corps capable de tenir aux ennemis; enfin sur les 8 ou 9 heures M. de Montcalm ayant été averty y est accouru avec quelques troupes de terre et de la marine et s’est allé poster au-dessus de la porte St. Louis, ayant disposé son monde de façon à en imposer aux ennemis en attendant le reste des troupes et canadiens, les ennemis se sont aussi arrêtés ne doutant pas qu’il aloit leurs livrer bataille M. de Montcalm impatient de ce que son monde ne venoit pas, ignorant que M. de Vaudreuil les faisoit arrêter au pont de la petite rivre quoi qu’il neust tout au plus que 2500 ou 3000 hommes il prit la résolution d’alér attaquér les ennemis; les troupes de terre marchoient au centre et celle de la marine et les canadiens étoient sur les ailes, il fut done dans cet ordre à la demie portée du fusils des ennemis qui les attendoient de pied ferme et la plus grande partie un genoux en terre : ce fut alors que le grand feu commença de part et d’autre, mais après deux ou trois décharges de nos troupes ils firent un demy tour à droite et plièrent. M. de Montcalm ayant été blessé au bras les ennemis avancèrent aussitôt sur nos troupes et bientôt après M. de Montcalm reçut une autre blessure mortelle. ’C’est alors que la déroute fut complète; les ennemis nous ont poursuivis jusqu’aux portes de la ville ; nous avons perdu dans cette funeste journée plus de 300 hommes tués, un grand    nombre de blessés et beaucoup de prisonniers ; Messieurs de Sennezergue et de Fontbonne l’un commandant de la Sarre et brigadier et l’autre commandant de Guyenne, ont été tués sur le champ de bataille, plus de 10 officiers de ce régiment ont été tués, blessés ou prisonniers dans ce jour. Pendant l’action M. de Vaudreuil a paru sur la coste étant en calèche, sa vue n’a fait qu’augmenter la déroute, et lui-même a décampé aussitôt et a repassé le pont de la petite rivière où il y avait au moins 3 à 4000 hommes qui y avoient été arrêtés. Les ennemis sont venus jusqu’à l’entrée de la prairie de M. Hyché, ils ont t le nommé Voyer boulanger ainsy que le bonhomme Clément dans la maison de Giroux; 2 ou 3 coups de canon tirés des vaisseaux qui sont en batterie à l’entrée de la petite rivière les ont fait remonter et même un écossais en a été emporté par un boulet. Les ennemis ont perdu dans cette action le général Hwolf, le 2e commandant M. Moncton une balle dans la poitrine enfin le 3e commandant qui est M. Tonshend est le commandant en chef. Partie du régiment de Languedoc et des troupes de la marine ont rentré dans la place ; le reste des troupes et canadiens ont resté à la redoute du passage, on s’attendoit quon aloit reprendre haleine et quon feroit aprocher M. de Bougainville qui avoit 2000 hommes avec lui dont tous les grenadiers en étoient, qui étoient du costé du Cap Rouge, et qu’aussitôt que tout seroit rallié on reprendroit, dès le soir ou le lendemain matin au plus tard, mais non, au contraire, lorsque M. Bougainville se fut aproché il fit dire à M. de Vaudreuil qu’il attendoit ses ordres pour attaquér les ennemis. M. de Vaudreuil luy donna ordre de se retirer avec son monde à la Suète et à 9 heures du soir il donna ordre de se retirer pour partir de Beauport, abandonnant toutes les tentes, équipages, munitions e vivres, comme s’ils eussent été poursuivis par une armée de 20 mille hommes. Funeste journée les armes de la France sont des plus deshonorées; cette retraitte ou plutost cette honteuse fuite s’est faite par les hauts de Charlesbourg au travers des bois il y avait environ 3 ou 400 hommes qui escortoient ce brave général et le reste marchoient sans aucun ordre ny discipline ; la première halte que fit ce général fut à St. Augustin, elle ne fut pas longue bientôt après il décampa pour Jacques Cartier ou tout le monde se rendit comme ils purent et comme ils voulurent. FAUTEUX, Journal du siège de Québec du 10 mai au 18 septembre1759, p. 65-66


Notes de l’auteur:

1)    Les textes sont ceux de l’ouvrage cité, qui en respectent l’orthographe et la phraséologie, ce qui a quand même l’avantage de nous plonger dans l’univers de cette époque et peut-être de nous rappeler certains vocables toujours en vigueur.

2)    Le dernier extrait laisse songeur C’est comme si le gouverneur Vaudreuil avait déjà accepté la défaite, qu’il la souhaitait même Avait-il eu des ordres du Roi de France ou de ses conseillers à l’effet de laisser la place aux Anglais? D’ailleurs, on le sait maintenant, tout s’est décidé en raison des conflits européens.

3)     Le siège de Québec à laissé des traces: la suite de l’ouvrage de Lacoursière et Quimper, qu’il faut lire, en fournit de multiples exemples. Nos ancêtres prirent quelques mois, voire quelques années à réparer ou à reconstruire leurs habitations, à reconstituer leur cheptel, à reprendre un train de vie normal. Pierre Chabot de Saint-Charles, vivait, en 1774, sur un terre seigneuriale comme avant le Traité de Paris (1763) qui cédait la Nouvelle-France à l’Angleterre. Quinze ans plus tard, l’inventaire de son épouse décédée laisse voir que le couple (parents de neuf enfants), était quand même assez prospère dans les circonstances. L’occupation ne semblait pas les avoir dérangés comme on aurait pu le croire. Ils s’en étaient accommodés d’une surprenante façon.

4)    Si je n’ai retenu que peu d’extraits du mois de septembre 1759, qui sont fort nombreux dans l’ouvrage, c’est qu’ils se recoupent et se répètent d’un témoin à un autre, et portent en majorité sur la difficulté des chefs militaires français de cerner les intentions de Wolfe (mouvements étranges, insolites, des troupes et de la flotte); c’est ainsi en jouant de ruse que ce dernier réussit à faire débarquer nuitamment ses troupes à l’Anse au Foulon, à les faire escalader la falaise et à prendre position sur les Plaines d’Abraham, prêtes à combattre. Nous connaissons la suite.